J’avais quitté Anna Gavalda après le film tiré de Je l’aimais. Trop violoneux, trop bien pensant, trop niais. Tout le battage associé, tout ce vent m’avait poussé loin de cet auteur.

J’avais aussi laissé passer la Consolante. Parce que le titre ne me plaisait pas. C’est laid ce mot « consolante ». Je choisis mes lectures comme d’autres jouent au tiercé. Je le sais.

L’Echappée Belle est sortie. Et je n’ai eu qu’une envie, me mêler aux retrouvailles de ces frères et soeurs faisant mariage buissonnier.

Bien m’en a pris. C’est beau. On y lit l’attachement d’une fratrie, ses liens uniques gagnés à force de cicatrices et de 400 coups qu’aucune belle-soeur ne pourrait arracher. On y lit la force  du sang et la compétition entre frères et soeurs. On y lit le passé et peut-être même l’avenir.

C’est si beau que j’en ai pleuré. J’ai pleuré sur cette famille nombreuse que je n’aurai jamais. Sur ce frère que j’aimerais embrasser là tout de suite. Sur ce livre que je n’écrirai sans doute pas. Et sur moi, juste parce que c’était beau de pleurer en lisant.

J’ai fait tout ça jusqu’à la page 113. Et puis ça c’est corsé. Anna Gavalda a invité l’improbable dans ses pages jusqu’à le tourner en ridicule : le château sans propriétaire, le neuneu bon à tout faire, le mariage populaire, la fête gitane, le chien errant adopté, la petite copine slave. « Où suis-je là ? » me disais-je « C’est le Grand-Meaulnes ? Je me suis tompé de livre ? » J’aurais pu pleurer devant un tel gâchis. J’ai juste refermé l’Echappée Belle, convaincue qu’Anna Gavalda devrait se remettre à la nouvelle. Et j’ai relu quelques pages du début, comme celle-ci :

On se rappelle […] que tout ça, cette apparente indifférence, cette discrétion, cette faiblesse aussi, c’est la faute de nos parents.
De leur faute, ou grâce à eux.
Parce que ce sont eux qui nous ont appris les livres et la musique. Ce sont eux qui nous ont parlé d’autre chose et qui nous ont forcés à voir autrement. Plus haut, plus loin. Mais ce sont eux aussi qui ont oublié de nous donner la confiance. Ils pensaient que ça viendrait tout seul. Que nous étions un peu doués pour la vie et que les compliments nous gâcheraient l’égo.
Raté.
Ca n’est jamais venu.
Et maintenant nous sommes là. Sublimes toquards. Silencieux face aux excités avec nos coups d’éclat manqués et notre vague envie de vomir.