Je n’ai pas pris de photo de la scène. Elle est trop violente, je vous laisse imaginer.

Ça se passe un vendredi soir. Le premier vendredi soir de la rentrée consacré à la réunion parents- profs du collège.

Les enfants sont à la maison. L’avantage de n’avoir plus que des « grands ». Ils savent qu’ils doivent préparer leur sac pour aller chez leur père qui arrivera quand les bouchons le voudront bien, avant que je ne sois revenue.

A l’idée de rentrer du collège dans une maison vide, j’ai déjà les larmes aux yeux. Je sais le bruit assourdissant du silence, que même le vacarme de la télévision peine à étouffer. Je sais le temps long de l’ennui qui n’en finit pas. Je me suis préparée à égrainer ces minutes étirées, comme les perles d’un chapelet.

Déverrouiller la porte. Souffler. Allumer la lumière et chercher une trace de vie. Sur le sol, un coup d’éponge passé à la hâte, pour effacer quelques gouttes du jus d’orange du goûter, peut-être. Une casserole propre abandonnée sur le plan de travail indique que le lave-vaisselle a été vidé.

Et dans le salon, tout au bout de la grand table rectangulaire, sur un plateau, le couvert mis pour une personne. Un verre, une assiette, une fourchette et un couteau
Le petit mot d’amour des enfants qui voulaient faire plaisir.
Et la solitude qui prend à la gorge comme si elle voulait étouffer.

Je n’ai pas mangé ce soir là.

J’ai rangé le verre, l’assiette, la fourchette et le couteau à leur place. Et j’ai bouffé ma solitude.