Aujourd’hui, ma grand-mère est morte. J’ai reçu un coup de fil de mon père : « Mémère est partie. Je ne sais pas quand est l’enterrement« . C’est tout.

« Quelqu’un de ta famille est mort et tu ne pleures pas« , s’est offusqué M. 6 ans. Une maman qui se demande comment caser un enterrement dans son emploi du temps, voilà l’absurde dans les yeux d’un petit garçon.

Et pourtant je pleure, sans larmes, sur ces rendez-vous loupés avec ma grand-mère, sur les petites phrases qui font mal et qui nous rendent fragiles pour la vie  entière, sur sa résignation à accepter une vie sans bonheurs alors qu’ils étaient là et qu’ils suffisaient de les attraper, sur cette époque où les petites filles allaient faire la bonne chez les bourgeois à 14 ans, où l’on pouvait se cacher des années pour fuir le STO en Allemagne, où l’on perdait des nouveaux nés bien plus couramment qu’aujourd’hui, avec la même douleur, enfouie à jamais, sur cette vie sacrifiée aux valeurs d’un autre temps.

Je n’avais pas vu ma grand-mère depuis des années. Mes enfants ne savent même pas qui elle est. Elle ne savait plus d’ailleurs qui nous étions paraît-il.

A quoi bon vivre si longtemps si c’est pour vivre à moitié ? Autant en tirer une leçon de vie, embrasser mes enfants et les emmener voir leurs grands-mères qu’ils aiment tellement.