Je me souviens de ce collègue (qui se reconnaîtra), à qui j’avais dit, au futur antérieur, que j’aurais voulu écrire comme Anna Gavalda.

Je me souviens surtout de sa réponse, au présent prometteur : « Tu peux le faire et mieux encore », m’avait-il répondu. 

C’était il y a tant d’années. Avant les enfants. Avant le blog. Avant ma rencontre avec Anna Gavalda. Pas celle loupée d’il y a trois ans. Celle de ce week-end. 

Il faut vraiment que je vous la raconte. 

Anna Gavalda était venue dans ma librairie de banlieue, celle de mon enfance, pour dédicacer son dernier ouvrage Fendre l’armure. Il y avait la queue mais pas tant que ça. Il y avait la queue, un peu, mais ça prenait du temps. Tellement que l’amoureux, qui avait gardé sa casquette de chauffeur (à cause de mon bras solo) est reparti comme un taxi. 

C’est à ce moment là que nous nous sommes tous retrouvés dans un roman d’Anna Gavalda. Comme si sa présence, à quelques mètres, nous encourageait à fendre l’armure encore un peu plus.

Il y avait cette retraitée si touchante, qui avait acheté le livre la veille, avec son chien. Et qui revenait se faire dédicacer son exemplaire, sans lui parce qu’elle avait dû le faire piquer le matin même. Douloureux morceau de vie comme un écho à la nouvelle « Mon chien va mourir ».

Il y a eu cette dédicace dissidente, la mienne, sur un bureau de fortune, pour signer l’unique exemplaire en librairie, de mon petit dernier « Le 1er cahier de vacances de la famille » (que je ne vous ai même pas encore présenté). 

Il y a eu cette vieille copine perdue de vue, perdue de vie j’ai failli écrire, longtemps perdue dans la vie et tellement heureuse de me raconter son bonheur retrouvé. Même si il suffisait de la regarder pour le savoir. 

Et déjà, c’était mon tour. J’avais les larmes aux yeux de tout ça. Sur ma petite chaise, face à Anna Gavalda, je me demandais « Qu’est-ce que je peux bien lui dire ?  

Que j’aurais voulu écrire comme Anna Gavalda ?

Je lui ai raconté « Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part » sur la canapé de Claire à Bordeaux, »Je l’aimais » en double exemplaire dans ma bibliothèque et cette citation sur la confiance en soi, tirée de l’Echappée Belle. Les mots qui coupent les ailes et les siens qui les font repousser. Mon roman qui avance et sa fin qui doute. 

Sa dédicace, avec cet oiseau qu’elle prend le temps de colorier au crayon de couleur, je la garde pour moi, comme un trésor, parce que j’ai toujours peur de trop en montrer. 

Le soir, alors que je racontais cette extra-ordinaire signature à l’amoureux, une mésange comme celle qu’Anna Gavalda avait dessinée sur mon livre, s’est posée là, juste devant nous. Chacun en tirera la conclusion qui lui plaît. Moi je pense que la vie à toujours plus d’imagination que nous. 

Et que mon collègue avait peut être raison. 

PS : un grand merci à la librairie des 7 mares d’avoir organisé cette rencontre inoubliable. Ces morceaux de vie là, on ne les trouve pas sur Amazon. Et bien sûr mille mercis à Anna Gavalda pour ses mots qui vont me tenir chaud longtemps. 

PS2 : et le livre alors, il est comment ? Dans cette critique très critique, j’implorais Anna Gavalda de revenir à la nouvelle. Elle l’a fait et l’a bien fait. Je suis passée à côté de l’une d’elle, dont j’avais tout de suite tiré la ficelle. J’ai dévoré les autres.